Comment le Rhin est-il devenu le "Vieux-Rhin" ?

Du fait d´une pente légère (de l´ordre de 1 pour mille en moyenne) et de la sédimentation d´énormes ilôts de gravier dans le fossé rhénan entre Kembs et Brisach, le Rhin était jusqu´en 1840 une zone alluviale dite "en tresse". Comme son nom l´indique, le lit mineur dans cette zone alluviale se composait de plusieurs petits chenaux qui s´entrecroisaient. Entre Bâle et Rastatt, le Rhin pouvait s´étendre sur une largeur allant jusqu`à 2 kilomètres, avec des nombreuses ramifications. Après chaque crue, cette zone avait une apparence différente. Des deux côtés de ce fleuve sauvage, il était pratiquement exclu d´envisager une exploitation économique de ces territoires.

Pendant plusieurs siècles l´homme tenta localement de maîtriser le Rhin en le canalisant. Au début du XIXe siècle l´aménagement du fleuve entre Bâle et Mannheim apparaît comme un moyen de protéger les villages riverains contre les crues, faciliter la navigation, gagner des terres arables, assainir les marais et fixer les frontières. Ainsi entre 1817 et 1878, intervint la "rectification" du fleuve, sur la base des plans du colonel badois Tulla.

Les multiples bras d´un lit "en tresse" sur le troncon Bâle-Strasbourg et le cours méandreux plus au nord, furent rassemblées à l´interieur d´un double système de digues des basses et hautes eaux qui délimitaient ainsi le lit mineur et le lit majeur d´un fleuve dont la largeur fut considérablement réduite. Ce nouveau "tracé" , s´il réussit effectivement à assurer une meilleure protection contre les crues, une augmentation des surfaces agricoles, des progrès sanitaire, a cependant totalement échoué dans son ambition d´améliorer la navigation rhénane. En induisant une augmentation des vitesse de courant, cette rectification provoqua l´enfoncement du Rhin, de 5 m à 10 m par endroits, et fut à l´origine de l´émergence de la barre rocheuse d´Istein.

Suite aux aménagements de Tulla, le niveau de la nappe phréatique baissa considérablement, tranformant les zones inondées en zone asséchées. Le fleuve, composé de plusieurs chenaux sur une largeur de plusieurs kilomètres est ainsi devenue un canal bordé de forêts de pins.

La Première Guerre Mondiale transforma complètement la géopolitique du Rhin supérieur. Le traité de Verseilles de 1919 accorda à la France le droit exclusif d´aménager et de détourner le fleuve à des fins énergétiques. Dans cette optique, la France avait dès 1902 soumis les plans de l´industriel alsacien René Koechlin projetant de construire un canal bétonné situé sur la rive gauche parallèlement au Rhin de Tulla, le Grand Canal d´Alsace.

Le traité de Verseilles en 1919, en accordant au vainqueur de la Grande Guerre l´exclusivité de l´énergie hydroélectrique du Rhin franco-allemand, permit la réalisation du projet Koechlin. La construction du Grand Canal a permis de stopper l´enfoncement du fleuve et d´assurer le transport fluvial. Il a également favorisé un développement économique des régions francaises riveraines grâce aux zones portuaires et à la production d´électricité.

Avec la construction du Grand Canal et quatre barrages successifs, l´ancien Rhin de Tulla entre Märkt (près de Bâle et Brisach) sur une longueur de 45 kilomètres devient depuis les années 50 le "Vieux Rhin".

A ce jour, jusqu`á 1430 m3/s s´écoulent dans ce canal pour garantir la navigation et la production d´energie. Le débit dans le "Vieux-Rhin" varie, sauf surverse du barrage, entre 20 m3/s (hiver) et 30 m3/s (été) pendant en moyenne 300 jours par an. A titre de comparaison: le flux naturel est de 1030 m3/s à Bâle.

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